Les Bateliers/arts décoratifs

Les Bateliers/arts décoratifs
Vue du jardin vers les façades

samedi 4 avril 2015

La renaissance du musée

La ville de Namur et son service du Patrimoine ont commencé en 2013 la restauration de l’hôtel de Grœsbeeck-de Croix. À cette occasion, le service de la Culture a entamé une réforme de fond du musée des arts décoratifs, hébergé par l’édifice.

Pour fêter ses 80 ans en 2016, c'est une véritable refonte muséographique que le musée s’apprête à vivre, l’inscrivant ainsi dans notre siècle et ses obligations, en matière de partage des savoirs avec le plus grand nombre notamment. Il s’agit de valoriser la plus riche collection d’arts décoratifs du XVIIIe siècle accessible au public dans notre pays. Le raffinement de sa présentation, qui faisait la réputation de l’institution, sera accentué en gagnant en cohérence et en élégance. Deux axes orienteront la visite : l’évolution des styles et l’art de vivre des grandes familles. L’ouverture de trois nouvelles salles (alcôve religieuse, salon Empire et salon Napoléon III) permettra au public, à travers les Beaux-Arts, le décor et le mobilier de s'imprégner de manière sensorielle et plus vivante des modes des XVIIe au XIXe siècles.

La stratégie, à travers les peintures et cartes des sièges militaires vécus par les Namurois au XVIIe siècle, invitera à la visite du plan en relief et à celle de la citadelle, également gérés par la ville. Si les sciences, la philosophie, la littérature et les voyages illustreront la vivacité intellectuelle du siècle des Lumières, les Beaux-Arts, la musique et les arts décoratifs témoigneront de la créativité tant des artistes namurois qu’étrangers. L’art de la table, l’hygiène, le divertissement, le jeu, l’intimité, la place de la femme contribueront, eux, à saisir la modernité de cette société.

Un mobilier design et actuel permettra aux visiteurs de goûter aux joies du luxe d’antan en s’exerçant à l’art de l’écriture, à la broderie, aux jeux de société anciens et à la lecture. Il facilitera l’intégration en douceur, au gré d’expositions temporaires entre autres, des arts décoratifs des XXe et XXIe siècles. La sculpture cinétique Le Banc, de Johnny White, récemment acquise par la Ville de Namur, prendra par exemple place dans la cour de service, prochainement couverte d'une haute verrière de style actuel.

Un étiquetage trilingue, des multimédias informatiques multilingues, un guide du visiteur, des carnets pédagogiques en ligne et des animations ludiques complèteront l’offre didactique des visites adaptées aux enfants, aux jeunes et aux adultes. Les goûters d’anniversaire si chers aux bambins, qui décernèrent au musée le Prix du musée préféré des enfants en 2010, bénéficieront d’une vaste nouvelle salle pédagogique, modulable en auditorium de 80 places. L’accès au rez-de-chaussée sera adapté aux personnes à mobilité réduite tandis que des outils accompagneront la visite des malentendants ou malvoyants. La prise en charge des personnes mentalement perturbées est une autre piste d'investigation.

Les scientifiques et les restaurateurs ne seront pas oubliés puisqu’une bibliothèque avec catalogue en ligne, une photothèque ainsi qu’une salle de travail leur seront accessibles. Dans le même ordre d'idées, les collaborations avec les institutions d'enseignement et de formation seront accentuées. L’extension des expositions temporaires à la chapelle des Bateliers, contiguë au musée, permettra des événements communs avec le futur Musée archéologique voisin. Une boutique occupera les anciennes écuries, tandis qu'un restaurant sous verrière est en cours de construction à l'emplacement des serres, disparues, de l'édifice. Enfin, l’exploitation du jardin – qui fête ses 75 ans en 2014 – ainsi que de la cour vitrée latérale et des deux courettes intérieures sera l’occasion de confronter tout en harmonie l’art actuel et le design aux arts anciens.

Les collections


Déposées par plusieurs propriétaires, les collections représentent l’ensemble le plus riche et complet des arts décoratifs du XVIIIe siècle accessible au public en Belgique. Elles peuvent être divisées en deux parties: les productions namuroises et les œuvres étrangères. Parmi les premières, on distingue du mobilier, des œuvres décoratives et des objets utilitaires. Le meuble namurois, architectural et majestueux, s’inspire à la fois de la mode française et d’une tradition encore religieuse. Son décor appliqué témoigne de l’évolution des styles, du Baroque jusqu’au Louis XVI. Des meubles précieux français (cabinets, consoles, tables, commodes, fauteuils et chaises) sont conservés dans les salles du rez-de-chaussée.

Parmi les objets luxueux, une importante collection de cafetières, chocolatières, aiguières et autres sucriers, œuvres des plus talentueux orfèvres namurois, témoignent de la diversité des ustensiles domestiques et du raffinement des habitudes de la table. Un bel échantillonnage de l’art de la coutellerie namuroise des XVIIIe et XIXe siècles complète cette panoplie.

De la même époque, le musée conserve d’exquises pièces de cristallerie. Namur fut en effet le centre verrier le plus important du pays, et les noms prestigieux des verreries Zoude et de Vonêche sont internationalement reconnus. Des coupes, plats, carafes, verres, bonbonnières mais aussi une série remarquable de pendules en cristal taillé et bronze doré ainsi que des lustres étincelants, agrémentent les diverses salles de l’hôtel. Signalons également d’heureux témoins des faïenceries d’Andenne et de Saint-Servais, parmi lesquelles des groupes charmants animés d’enfants et de couples galants attribués au célèbre artiste français Jacques Richardot, qui passa quelque temps à Namur en 1786[6].

Des productions d’autres artistes reconnus enrichissent un peu plus encore les collections du musée, tel un bel ensemble de terres cuites et de marbres du sculpteur Laurent Delvaux, attaché au service du gouverneur autrichien Charles de Lorraine, le moulage d'un buste de Vauban par Coysevox, sculpteur officiel de Louis XIV, une grande esquisse du célèbre peintre ornemaniste italien Giambattista Tiepolo, des tableaux de fleurs de Pierre-Joseph Redouté, professeur de dessin de Marie-Antoinette, ainsi qu’un portrait du roi Soleil attribué à Hyacinthe Rigaud.

Un parcours chronologique, dès l’entrée, familiarise les visiteurs aux grands styles des XVIIe et XVIIIe siècles (du Louis XIII au Louis XVI). Deux nouvelles salles étendent les connaissances aux styles Empire et Napoléon III du XIXe siècle. Au départ d’une nouvelle alcôve consacrée à l’art religieux, la visite se poursuit au gré des thèmes représentatifs du XVIIIe siècle : les sciences, la littérature et la philosophie, la musique, la cuisine et l’art de la table, la beauté, la séduction et l’hygiène, les jeux et le divertissement, la vie publique et la vie privée ainsi que l’orientalisme. Le passé de Namur et notamment les tumultueux épisodes militaires subis par la ville au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles sont également illustrés.

Le décor intérieur et le jardin


Le Musée des arts décoratifs présente un large éventail de techniques de décoration propres au XVIIIe siècle. La surface murale est ornée de boiseries rehaussées de couleurs. Ces lambris encadrent d’idylliques paysages champêtres et boisés, des vues marines, des toiles peintes de fleurs luxuriantes ou d’oiseaux paradisiaques, des tissus de soie brodés de motifs orientaux et des panneaux de rares cuirs gaufrés et dorés.

Les dessus de portes et les trumeaux de cheminées sont agrémentés de peintures représentant des scènes galantes à la manière de Jean-Antoine Watteau, des saynètes mythologiques ou encore de généreux bouquets de fleurs. Les cheminées en marbre du pays sont sculptées de motifs de coquilles et de rocailles. Un cabinet chinois, à l’étage, reflète le goût typique de ce siècle pour la connaissance et le dépaysement tandis qu’une admirable cuisine d’époque est tapissée de carreaux de faïences à la manière de Delft.

Enfin, de magnifiques stucs Rococo ornent les cimaises du vestibule et le dôme de l’étage, à l’intérieur duquel masques, fleurs et rocailles s’enchevêtrent gracieusement et font de ce décor l’un des plus aboutis et des plus beaux de Belgique.

Le jardin

Si la nature est partout présente à l’intérieur de l’édifice, en tant qu’inspiratrice de l’art du XVIIIe siècle, elle trouve toute sa poésie dans le jardin ceint de tilleuls palissés. Quatre parterres d’élégantes broderies de buis entourent une pièce d’eau et créent une perspective symétrique, renforcée par le pavillon élevé au fond du parc, rappelant les principes du jardin à la française chers à André Le Nôtre. Au sein de cette régularité pointe une touche de Romantisme à l’anglaise, grâce à un tulipier de Virginie centenaire dont le feuillage fait vibrer la lumière, insufflant ainsi la vie aux puttis (angelots) qui garnissent le muret séparant le jardin de la cour d’honneur.

Au fil des saisons, quelques touches colorées de vivaces et de roses odorantes rehaussent le jardin de blanc, de rose, d’orange et de rouge profond. 
Le jardin sera prochainement restauré sur base de sa description d'origine (brique pilée entre les buis notamment) et un éclairage soigné le mettra en valeur.

L'architecture


C’est l'architecte originaire de Thuin, Jean-Baptiste Chermanne qui, à la demande du comte Alexandre François de Grœsbeeck, transforme le probable ancien refuge de l’abbaye de Villers-en-Brabant en un élégant hôtel particulier entre 1751 et 1753.

D’une grande qualité architecturale, l’édifice s’articule en trois ailes dont le corps central reprend une partie des vestiges du bâtiment du XVIIe siècle. La reconstruction de 1751 répond remarquablement aux trois règles fondamentales de l’architecture au XVIIIe siècle : le respect de l’intimité, la recherche d’une fonctionnalité nouvelle ainsi que l’intérêt pour le monde extérieur.

Le besoin d’intimité se traduit dans l’aile sud par une succession de petits appartements, boudoirs et autres alcôves, simples et confortables, desservis par des couloirs évitant la circulation à l’intérieur d’une pièce pour accéder à une autre.

Au rez-de-chaussée, c’est par contre tout le contraire. Jean-Baptiste Chermanne y a en effet aménagé des salles d'apparat en enfilade afin que les invités, au gré de leurs déplacements, puissent admirer la richesse des intérieurs de leurs hôtes.

Au désir d’intimité répond la recherche de fonctionnalité, c’est-à-dire de tout ce qui facilite la vie et la rend douce et agréable. La création de la salle à manger, qui devient permanente au XVIIIe siècle, empêche de devoir dresser la table, au sens propre, uniquement pour les grandes occasions et facilite le regroupement familial.

L’apparition des commodités et la multiplication des placards et lingeries sont autant d’autres innovations appliquées par Jean-Baptiste Chermanne.

À cela, il faut ajouter l’admirable utilisation de la lumière, par la présence d’une coupole et de cours intérieures, ainsi que l’ouverture sur le monde extérieur au travers des grandes fenêtres.

Présentation

Le Musée des arts décoratifs de Namur est abrité dans l'Hôtel de Grœsbeeck-de Croix, immeuble namurois classé, bâti à partir du XIIIe siècle.


Profondément réaménagé au milieu du XVIIIe siècle par l'architecte Jean-Baptiste Chermanne, cet hôtel particulier porte aujourd'hui le nom des propriétaires de l'époque, Alexandre François de Groesbeeck puis le marquis de Croix, son petit-fils. La ville de Namur l'a acheté à sa dernière propriétaire, la marquise de Keroüartz, en 1935.


Il accueille depuis un musée des arts décoratifs du XVIIIe siècle et tend à étendre ses collections aux XIXe et XXIe siècles. Géré par le service de la Culture de la Ville de Namur, le musée est fermé depuis février 2013 pour restauration totale. Sa réouverture partielle est prévue pour l'été 2018 alors que la campagne progressive de restauration des décors intérieurs débutera en 2019.